« Le rayonnement se situe bien en dessous des valeurs limites fixées par la Suisse, très strictes en comparaison internationale »
Nombre de rumeurs et semi-vérités circulent lorsqu'il s'agit du rayonnement de la téléphonie mobile. Afin de les dissiper, CHANCE5G s'est entretenu avec Jürg Eberhard, directeur de la fondation pour la recherche sur l'électricité et la communication mobile. Il explique que les antennes adaptatives ne sont rien de nouveau, et expose les raisons pour lesquelles il ne faut pas s'inquiéter du rayonnement émis par la téléphonie mobile et quelles sont actuellement les points forts de la recherche.
- Le rayonnement mobile fait l'objet d’études et de recherches. Quelles en sont les derniers résultats ?
Aucun nouveau résultat « révolutionnaire » n'a été obtenu ces dernières années. Il existe un large consensus scientifique voulant que les valeurs limites de rayonnement protègent contre l’ensemble des effets négatifs avérés sur la santé. Le tableau concernant les tumeurs cérébrales s'est épaissi : nous vivons avec la téléphonie mobile depuis plusieurs décennies et même les analyses les plus récentes des registres des tumeurs en Suisse ne permettent pas d'établir un lien entre l'apparition de tumeurs cérébrales et l'utilisation des téléphones mobiles. Il ne s'agit pas d'une preuve définitive de l'absence d'un tel lien de cause à effet, mais d'une indication très forte que le risque éventuel pour la santé - s'il existe - est très faible.
- Combien de travaux de recherche sont en cours sur le thème du rayonnement et sur quoi se concentrent-ils ?
Au niveau international, d'innombrables travaux de recherche sont publiés en permanence sur les aspects les plus divers du rayonnement mobile. La recherche se concentre actuellement sur les éventuels effets négatifs des fréquences les plus élevées de la gamme des ondes millimétriques. La norme 5G prévoit l'utilisation de fréquences entre 24 et 53 GHz, qui ne sont toutefois pas encore en vigueur en Suisse. Il existe aussi quatre importants programmes de recherche européens, auxquels la Suisse participe. Ces projets se déroulent sur la période 2022-2027 et sont soutenus à hauteur de 30 millions d'euros au total. Ils souhaitent mieux évaluer l'exposition des individus au rayonnement lors de l'utilisation de la téléphonie mobile, de la 5G en particulier. Les rapports de l'OMS sont également attendus avec impatience. Dans le cadre d'un processus d'évaluation à grande échelle, les études menées jusqu'à présent sur le rayonnement mobile sont examinées afin d'obtenir une estimation actualisée de ses effets possibles sur la santé.
- Les médias font régulièrement état de controverses suscitées par des demandes de permis de construire pour des antennes adaptatives. La plupart du temps, il s'agit d'inquiétudes liées au rayonnement. Que dit la recherche concernant ces antennes adaptatives ?
Les antennes adaptatives ne présentent rien de nouveau sur le plan technique et sont utilisées depuis longtemps pour optimiser la transmission des données, sans que l'on ait observé d'effets négatifs sur la santé. Désormais, cette technologie est utilisée pour la 5G. Du point de vue du rayonnement mobile, le grand avantage des antennes adaptatives est qu'elles dirigent les ondes radio de manière ciblée vers les utilisateurs qui recherchent une connexion. Avec les antennes de téléphonie mobile traditionnelles, l'intégralité de la zone de rayonnement est couverte en permanence par la même intensité de signal, que des utilisateurs se trouvent dans cette zone ou pas. Cela signifie que grâce aux antennes adaptatives, les personnes qui ne nécessitent pas de connexion sont moins exposées au rayonnement.
- La plupart des gens emportent partout avec eux leur smartphone, qui est aussi une source de rayonnement. Que sait-on à ce sujet ?
Le débat public a tendance à oublier que la téléphonie mobile consiste en une communication bidirectionnelle. Tant les grandes antennes que les antennes miniaturisées intégrées dans les téléphones émettent et reçoivent des signaux. C’est ce qui les distingue des signaux acoustiques ou des ondes sonores : les haut-parleurs ne peuvent qu'émettre et les microphones ne peuvent qu'enregistrer. Par exemple, lorsque j'envoie un message WhatsApp depuis mon appareil, celui-ci transmet des signaux à l'antenne la plus proche. Normalement, la part du rayonnement qui provient de mon propre appareil est plus importante que celle qui provient de l'antenne, du fait que l’appareil mobile se trouve à proximité de mon corps. Toutefois, la technologie va dans la bonne direction. Il apparaît clairement que le rayonnement des téléphones mobiles a diminué de la 2G à la 3G et à la 4G grâce à des améliorations techniques. N’en demeure pas moins que - et cet effet est sous-estimé par les profanes - plus la qualité de la connexion à l'antenne mobile est basse, plus la puissance d'émission nécessaire de leur appareil augmente.
- C'est surtout la norme de téléphonie mobile actuelle, la 5G, qui est décriée. Pourquoi ?
Du point de vue du rayonnement, c’est inexplicable. Car les ondes de radiocommunication sont caractérisées par la fréquence, la puissance et la forme du signal. En Suisse, les fréquences et l'intensité des signaux 5G utilisés sont comparables aux normes actuelles de téléphonie mobile. En ce qui concerne la forme du signal, les différences entre la 5G et la 4G sont minimes. Jusqu'à présent, il n’existe pas non plus d'indices suffisants permettant d’affirmer que la forme du signal 5G entraîne de nouveaux risques pour la santé. Pour en revenir à votre question : d'autres facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer ces controverses. On sait que l'histoire ne cesse de se répéter - les humains sont sceptiques vis-à-vis de la nouveauté.
- Que diriez-vous à une personne qui s'inquiète du rayonnement mobile ?
Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, il faut faire une distinction entre le rayonnement de son propre appareil et celui de l'antenne de téléphonie mobile. Quand on utilise son propre appareil, on peut influencer soi-même le rayonnement. Quand on téléphone en déplacement, il faut bénéficier d’une bonne connexion. Chez soi, on peut, si on le souhaite, renoncer aux services de télécommunication. Au lieu d'utiliser le WLAN ou la téléphonie mobile, le téléphone portable peut être relié à Internet par câble via une prise Ethernet. Il en va autrement lorsque je me déplace à l'extérieur, car je suis exposé au rayonnement mobile se trouvant dans mon environnement. Le programme de surveillance de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) montre toutefois que le rayonnement dans l’environnement où nous nous déplaçons se situe bien en dessous des valeurs limites suisses - strictes en comparaison internationale. Mais c’est une question de perspective. Nous pouvons aussi être fascinés par cette prouesse technique qui nous permet de transmettre d'énormes quantités de données avec une faible densité énergétique, inférieure à celle générée par une lampe LED.